jeudi 30 octobre 2014

Sur la communion, notamment des divorcés remariés...

Suite à la lecture d'un texte qui m'a ému (ici), je voulais écrire un coup.
Plutôt que de recopier le commentaire que j'ai fait directement sur le site, je voudrais simplement reprendre rapidement la doctrine de l'Eglise en matière d'accès à la communion, et d'interdiction.
Pour communier, il faut classiquement être baptisé, croire que dans l'hostie il y a le corps, le sang, l'âme et la divinité de Jésus réunis, et être en état de grâce, c'est à dire ne pas être en état de péché mortel. L'article 1385 du catéchisme de l'Eglise catholique (CEC) l'indique, en écho à saint Paul (1 Co 11, 27-29).
C'est ce dernier point qui mérite d'être développé.
Les articles 1854 et suivants du CEC sont très clairs, mais utilisons des mots plus courants.
Pour commettre un péché, il faut soit faire quelque de mal (la matière), soit faire quelque chose pour faire le mal (la volonté), soit faire quelque chose qui dans ces circonstances entraîne le mal (contexte).
Si la matière du péché est grave, que la personne qui le commet sache qu'elle fait un mal et qu'elle le choisisse librement. La gravité dépend du contexte et de la qualité de ceux qui sont concernés: faire le mal à un proche est plus grave que de faire un mal identique à un inconnu, à cause de nos devoirs envers ce proche qui sont plus grands, par exemple.
Une personne qui commet donc volontairement un mal qu'il sait mal, et que ce mal est grave, alors elle se coupe de Dieu, lui dit non, et le chasse de l'âme: le pécheur se coupe de Dieu, perd se lien qui l'unissait à Dieu et la vie de Dieu dans son âme.
Persister dans cette état conduit tout droit à l'enfer.
Pour retrouver l'amitié de Dieu, il faut se confesser (il existe quelques exceptions que je ne développerai pas ici) et retrouver un état de vie qui convienne à un ami de Dieu. Ainsi, un débauché qui persiste dans sa débauche, un ivrogne qui persiste dans ses saouleries, ou une personne qui persisterait à se masturber restent dans des états de vie qui offensent gravement Dieu et se coupent d'eux-mêmes de Dieu.
Séparés de Dieu, ils ne peuvent communier à l'Eucharistie.
Retrouver le sens du péché, et plus spécifiquement celui du péché mortel, voilà qui aiderait bien des âmes à rejeter vigoureusement le mal et à chercher la conversion.
Des personnes qui sont clairement dans des états de vie qui ne conviennent pas ne doivent pas communier. Ainsi des politiciens en faveur de l'avortement, ou des divorcés remariés: leur état de vie les coupe de l'union à Dieu.
Et pour toucher un peu plus longuement de la question des divorcés remariés: si le premier mariage est valide, c'est à dire que toutes les conditions sont réunies (CEC 1625-1632):
1) Il doit y avoir un échange libre des consentements (sans contrainte, et possible selon la loi).
2) Il ne doit pas y avoir de violence ou de crainte grave externe.
3) Il doit y avoir acceptation de tous les éléments et propriétés essentiels du mariage (Code de droit canonique, 1101).
Parmi ces propriétés et éléments essentiels, on peut citer de façon exhaustif l'indissolubilité, la fidélité, l'unité, la procréation, l'ouverture à la vie. Par exemple, deux personnes qui voudraient se marier et échangent les consentements, mais au moins l'un des deux ne veut pas d'enfants et se ferme à la vie, alors le mariage n'est pas valide et n'a jamais existé. Annuler le mariage, c'est reconnaître qu'il n'a jamais existé. C'est différent d'un divorce. Une personne qui se marie après un mariage non valide, ce n'est pas une personne divorcée-remariée: c'est juste une personne mariée, quoiqu'elle ait partagé sa vie pendant un temps avec une personne avec qui elle n'était pas mariée.
Faciliter les procédures de mise en nullité du mariage, ce n'est donc pas favoriser des divorces, mais prendre après coup la mesure que le mariage n'était pas valide. Prendre de l'avance, c'est favoriser une meilleure préparation au mariage de ceux qui se prépare pour qu'il se marie réellement en contractant un mariage valide, ce qui est ce qu'il y a de mieux pour eux.
En revanche, quelqu'un qui s'est marié, se sépare de son conjoint et se marie civilement avec une autre personne alors que son époux/épouse est encore en vie, celle-ci est reconnue d'adultère.
Elle est dans un état de vie qui pèche gravement contre son devoir de fidélité et d'unité avec son époux/épouse légitime et ne doit donc pas communier.
Une personne dans cette situation-là est dans une situation douloureuse, et Dieu n'abandonne jamais ceux qui le cherchent. Quoiqu'ils ne puissent pas communier, ils peuvent le vouloir et rechercher à revenir vers Dieu. Dieu seul sonde les reins et les coeurs... et "vouloir aimer, c'est déjà aimer" (Bienheureux Charles de Foucauld).
C'est Dieu qui a le dernier mot et qui jugera chacun, ce n'est pas à nous de le faire. Mais c'est notre devoir d'annoncer la vérité et d'empêcher ceux qui pêchent de pécher davantage et donc de se séparer plus surement et plus fortement de Dieu.

mardi 7 octobre 2014

Le Jésus de l'historien

Qui est Jésus?
Quand j'entends ça, j'ai toujours en tête la réponse de saint Pierre, "vous êtes le Christ" (Mc 8,29) et encore mieux "Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant" (Mt 16,16). Mais bien sûr, un historien ne peut pas juste prendre la phrase comme ça et l'accepter... mais d'abord commencer par le début, à savoir, Jésus a-t-il existé?
On a pas mal de moyens pour affirmer que oui. Les auteurs romains Tacite (55-120) et Suétone (70-130) font clairement référence aux premiers chrétiens, et donc à ce que l'on dit d'eux à l'époque, soit qu'ils étaient disciple de Jésus, dit le Christ. Flavius Josèphe (37-100) parle de Jésus de façon plutôt péjorative, en disant de lui qu'il était un "homme sage, faiseur de prodiges" mais en voyant surtout en lui quelqu'un qui faisait croire aux juifs à autre chose que ce à quoi lui croit. A partir de ces sources non chrétiennes, Jésus a bel et bien existé.
A partir du Nouveau Testament, on a plein d'éléments pour le connaître. Par exemple, dans le passage avec la samaritaine, au puits de Jacob, Jésus se repose alors qu'il est midi (la sixième heure du jour) et demande à boire. Il est fatigué comme tout le monde. Il a faim aussi, dans le désert, au moment des tentations (Mt 4). Il mange souvent d'ailleurs! A la Pâque, aux noces de Cana, avec la multiplication des poissons et du pain, chez les publicains... il passe tellement de temps à table que les pharisiens trouve qu'il en est glouton! Il éprouve aussi de nombreux sentiments bien humains comme la joie (Lc 10,21) lorsqu'il parle de ceux que comprennent les petits enfants mais non pas les sages et les prudents, ou l'amour avec le passage du jeune homme riche (Mc 10,21) qui respecte tous les commandements, ou encore la profonde tristesse lorsqu'il apprend la mort de Lazare (Jn 11,33) et qu'il frémit. Humain, il l'est aussi à travers les tentations qu'il reçoit au désert, l'éducation que lui donne sa mère tandis qu'il est enfant, le travail qu'il pratique en prenant la relève de son père (et jusqu'à l'âge de 30 ans), les souffrances terribles lors de sa passion... ou encore ce fameux passage où il chasse les vendeurs du temple en étant animé d'une sainte colère.
Là où l'historien nous offre quelque chose d'intéressant, c'est en mettant en relief ce que Jésus dit de lui-même. Là où beaucoup de baptiseurs (comme Jean le Baptiste) appellent à la conversion à cette époque, Jésus va bien plus loin dans ce qu'il annonce, mais différemment des zélotes qui attendent un Messie guerrier, et plusieurs se lèveront pour mener des révoltes contre Rome. On peut penser que Barrabbas (Bar-Abbas, le fils du père), le coupable relâché à la place de Jésus le Vendredi de sa mort, était un de ceux-ci. En tout cas, son nom laisse à le penser. Jésus centre son enseignement sur lui, tout en appelant certes à la conversion, mais en ramenant sans cesse à lui et à Dieu dans un même mouvement: "Je suis le pain de vie" (Jn 6,35), "celui qui boit de cette eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif" (Jn 4,13), "Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie", "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai", (Mt 11,28) "Je suis la résurrection et la vie:celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra" (Jn 11,25) et enfin: "Celui qui m'a vu, a vu aussi le Père" (Jn 14, 9). Cette façon de rapporter à soi les caractéristiques de Dieu est tout de même assez fascinant...
Dans la même veine, il affirme qu'il peut pardonner les péchés, parle de lui en se désignant comme le fils de l'homme mais dit que celui-ci viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui. Mais en même temps, il dit qu'il est le Messie, le Fils de Dieu, parle de lui en s'attribuant le nom de Dieu (Je suis, nom de Dieu donné à Moïse au buisson ardent), accepte un titre comme "Mon Seigneur et mon Dieu" (Jn 10,33) après la résurrection, ailleurs les juifs lui disent qu'il se fait Dieu (Jn 10,33) et affirme que c'est vrai. Bref, c'est très fort! Suffisamment pour ne pas nous laisser la possibilité de croire que Jésus était juste un sage, mais bien soit vraiment Dieu, soit un vrai fou et imposteur. Son discours ne laisse pas les gens indifférents: il va jusqu'à dire: qui mange ma chair et boit mon sang aura la vie éternelle. Et évidemment, ça choque tout le monde!
Son enseignement est original, mais sa forme est très classique: il s'adresse en paraboles, ce que faisait déjà avec brio le roi Salomon. C'est dans la plus pure tradition juive. Et lorsqu'on lui pose une question, il pose souvent une autre question, ou raconte une histoire: la plus pure tradition rabbinique. Il centre son enseignement sur le bonheur, obtenu par l'amour de Dieu et des hommes. Les béatitudes dans le discours sur la montagne sont un concentré de ce qu'on doit faire pour être heureux (et bien être, il n'y a rien à avoir). Il guérit abondamment, est reconnu pour ses nombreux miracles et ses exorcismes. Sa vie coïncide avec la réalisation de nombreuses prophéties de l'Ancien Testament, comme le psaume 22 qui fait étonnamment écho à la Passion, et Jésus l'entonne tandis qu'il pend sur la croix (chanter les psaumes au moment du trépas est toujours la plus pure tradition juive). Un psaume en deux parties, une de souffrance et une d'espoir.
Si l'historien ne peut pas tout prendre au pied de la lettre, il sait que c'est ce qu'on dit de Jésus, et qu'il est très différent de n'importe quel autre personne de l'époque.
Après sa mort, il disparaît aussi du tombeau et apparaît vivant à plus de 10 occasions différentes, à plus de 500 personnes réunies en même temps, pendant 40 jours. Et tandis que ces enseignements semblaient voués à disparaître avec sa mort, des générations de chrétiens sont morts au nom de la croyance en la résurrection de Jésus. A commencer par les apôtres qui se sont tous fait trucider d'une façon ou d'une autre.
Après, on peut croire ce qu'on veut, hein!
Mais il y a la matière à penser. Et étant donné ce que Jésus dit de lui-même, on peut affirmer sans mal que ce n'est pas juste un homme sage, un prophète, ou un rabbin... mais bien plus que cela, ou en tout cas, bien autre chose!